Le secret dont personne n'a conscience et qui constitue le véritable tour de magie de la Boulangerie !
🎯 Résumé
Cet article explore les techniques de fermentation lente du pain au levain sans pétrissage, en mettant l'accent sur le pointage et l'apprêt. Il explique comment la manipulation minutieuse de la pâte, l'ajustement de l'hydratation, et l'utilisation du temps plutôt que de l'intensité mécanique peuvent influencer la structure du gluten et le résultat final du pain. Le texte met également en lumière l'importance de la température et de la manipulation douce pour obtenir une mie de qualité et une saveur développée.
📱Une App Android va pouvoir vous aider elle est accessible ici Bread Recipes – Apps on Google Play
🎓 Ce que vous allez apprendre
Ce qu'il faut faire en pratique pour développer votre pâte pour lui faire atteindre le stade permettant de passer sereinement du pointage à l'apprêt
Les mécanismes qui interviennent lors du pointage et leur lien avec le pétrissage
Comment ces mécanismes vont vous aider à mieux appréhender et donc d'influencer votre
protocole de panification
L'impact de vos gestes sur votre pâte et des temps de pause sur votre pain final
📣 Pour renforcer cet apprentissage par de la pratique et que vous êtes autour de Toulouse, je vous propose cet Atelier du Pain sur PUJAUDRAN.
💡 Ce qu'il faut retenir
Chaque action d'une étape d'un protocole de panification influence l'étape suivante (il n'y a pas de geste ou d'attente gratuite)
Le pétrissage a 3 objectifs
créer le réseau de gluten (la structure),
donner de l'élasticité (force)
et de l'extensibilité à la pâte (souplesse)
Le pétrissage permet juste d'aller plus vite et il peut être remplacé simplement par
le mélange des ingrédients (frasage)
et des phases de travail de la pâte espacées dans le temps (rabats, tours, pliage, laminage, etc...)
Pointage = créer le réseau de gluten ➜ la pâte est à point
Apprêt = générer des gaz ➜ la pâte est prête
Le secret réside dans l'ajustement du taux d'hydratation avec les manipulations de la pâte pour gagner en extensibilité et garder de la force
Faire du pain c'est savoir manier l'élastique d'une fronde...
📖 Dans la suite de l'article je traite d'un protocole au levain classique à température ambiante pour aller chercher le maximum de qualité gustative et nutritive dans le pain. Je ferais un paragraphe dédié pour le faible ensemmencement et la passage au froid qui sont des cas spécifiques. Bien que l'autolyse puisse jouer un rôle intéressant pour des questions de simplicité je ne détaillerais pas cette étape.
Voici une illustration de ce qui vous attend dans la suite de cet article.
1️⃣ Le pétrissage | au final pas obligatoire
Le pétrissage est classiquement une phase qui vient après le frasage qui consiste à mélanger les ingrédients et notamment à amalgamer la farine avec l'eau.
Lorsque je lisais des livres ou des articles avec le titre "pain sans pétrissage" je ne comprenais pas l'objectif et surtout comment c'était possible. Je n'imaginai même que c'était une mode, voire même que ça ne pouvait pas fonctionner. Je n'avais pas, à cette époque, compris l'essence de la panification dans son ensemble.
En effet, j'avais la croyance PÉTRISSAGE = LE PAIN VA BIEN LEVER. Ma compréhension était que la pâte devaient retenir les bulles de gaz (CO2) pour pousser au four. Ceci n'est pas faux mais c'est une compréhension incomplète.
En pratiquant la panification et en approfondissant mes lectures, ma compréhension du pétrissage a considérablement évolué. Je vois désormais le rôle du pétrissage comme il suit:
Construire le réseau de gluten dans la pâte de manière mécanique, en lui fournissant de l'énergie et de l'oxygène
Rendre la pâte plus extensible, c'est-à-dire lui donner la capacité de s'étirer sans se rompre
Apporter à la pâte une élasticité, soit la faculté de reprendre sa forme initiale
Transformer l'amidon en sucre simple pour les levures
Une alternative existe pour former le réseau de gluten, ainsi que pour accroître l'élasticité et l'extensibilité de la pâte sans courir le risque de la sur-pétrir. Cette méthode requiert davantage de temps et des actions mécaniques plus délicates, c'est-à-dire moins intenses et de courte durée.
🧐 Mais comment est-ce possible?
Imaginez les protéines de la farines comme des pièces de puzzle aimantés (+/-). L'ajout d'eau va faire flotter ces pièces les rendant mobiles ce qui va faciliter leur assemblage par un alignement des pôles +/- de ces aimants. Des mouvements doux (pliages, rabats, laminages, étirages, etc.) vont suffire pour aligner tout ce petit monde et former des chaînes de gluten longues et solides. Ces chaînes de gluten vont tisser une structure solide et surtout étanche.
Elasticité: les pièces du puzzle étant aimanté elles ont une force de cohésion entre elles, si une s'éloigne elle a capacité à revenir par l'effet d'aimantation. La force du pâton est un peu la force des aimants.
Extensibilité: en continuant l'analogie, les pièces étant aimantées elle ont une certaine liberté pour bouger et donc rendre extensible sans se détacher l'une de l'autre.
Attention, surtout au départ trop d'eau va éloigner/éparpiller les pièces du puzzle et rendre impossible leur accrochage les unes aux autres.
💦 L'eau va également réveiller les enzymes cachées dans la farine qui vont se mettre à transformer l'amidon (sucres complexes) en sucres simples assimilables par les levures. En autolyse (mélange Farines + Eau) ces sucres seront consommé plus tard a l'arrivée des levures.
On voit ici l'importance de la bonne quantité d'eau, et on comprend que sans pétrissage une hydratation plus important va grandement aider.
La composante magique, en plus de l'eau, est évidemment le temps que les industriels ne vont pas prendre. S'offrir du temps c'est s'offrir une dégustation incomparable.
A retenir: la phase de préparation du réseau de gluten ne demande pas une température élevée car on ne cherche pas a faire travailler les levures. Elle demande une hydratation supérieure, des manipulations de développement et du temps.
Comme disent les Anglais, "Less is more" (que je traduis ici par "Faire moins c'est faire mieux"). Parfois faire moins de geste technique est bénéfique.
2️⃣ Le Pointage | plus long et plus au frais
Au final en supprimant le pétrissage on passe directement du frasage (mélange des ingrédients) au pointage. C'est en phase de pointage que l'on va développer la pâte, préparer le repas des levures et le créer le réseau de gluten.
Pendant le pointage, les levures (Saccharomyces cerevisiae) et les bactéries lactiques (principalement Lactobacillus) jouent des rôles cruciaux.
🍄 Les levures vont transformer les sucres en dioxyde de carbone (CO2) et en alcool, ce qui contribue à faire lever la pâte.
🧫Les bactéries lactiques, d'autre part, produisent de l'acide lactique et acétique, ce qui contribue à l'acidification de la pâte, renforçant ainsi la structure du gluten et ajoutant des arômes complexes au pain.
🦠 De la même façon pendant le pointage les enzymes présentes dans la farine, comme les amylases, décomposent l'amidon en sucres plus simples que les levures peuvent fermenter. Une pâte plus hydratée permet une meilleure diffusion des enzymes et des produits de fermentation, facilitant ainsi l'activité microbienne et la distribution des gaz. Cela influe sur la légèreté et la texture de la mie.
🧪 Les acides produits par les bactéries lactiques modifient la structure des protéines de gluten, rendant la pâte moins extensible mais plus forte et élastique. Cette transformation est essentielle pour la rétention des gaz produits par les levures, ce qui est crucial pour la formation d'une mie alvéolée.
🧂 Les minéraux comme le calcium et le magnésium peuvent affecter l'activité des enzymes et la stabilité des structures protéiques dans la pâte, modifiant ainsi l'efficacité du pointage.
La question qui se pose est maintenant quand passe t'on du pointage à l'apprêt.
Voici les critères que je vous propose:
Le réseau de gluten est constitué (test de la fenêtre)
La pâte devient lisse et brillante avec des signes de fermentation
La pâte est élastique, lors des manipulations la pâte se rétracte, elle donne l'impression d'être vivante et garde une forme bombée (ne s'affaisse pas). C'est le critère le plus dur a obtenir car il faut jouer entre le taux d'hydratation et les manipulation de lifting de la pâte pour lui donner de la force.
A retenir: le début de fermentation du pâton en phase de pointage peut aider a gagner en force car il rend la pâte naturellement plus bombée. Mais attention si la pâte se foisonne de trop les gestes vont devenir délicat voire même infaisable. Mon conseil est de ne pas pointer à trop haute température pour éviter ce problème. Dès lors mettre de la levure, qui va booster la fermentation, peut vraiment rendre la chose plus compliquée à maîtriser.
La pâte s'étire sans se rompre
A retenir: le passage du pointage a l'appret suit 3 critères: une pate qui s'etire, un réseau de gluten formé (comme la peau d'un tambour) , un pâton qui se tient bien (force/élasticité). Des lors une temperature basse (16-21 °C) est adaptée car on ne cherche pas a faire pousser le pâton.
Maintenant que faire pour atteindre ces 3 critères?
Bien hydrater la pâte est essentiel pour l'extensibilité sans rendre la pâte trop liquide car la elle ne sera jamais élastique
Faire des rabats/pliage/étirage/laminage espacés d'au moins 30 minutes pour laisser le temps à la pâte de s'homogénéiser, de s'assouplir pour éviter de rompre à la prochaine manipulation:
Commencer par 1 ou 2 rabats en bac
Faire un laminage si la pâte manque d'extensibilité et/ou est trop élastique puis bouler (souvent inutile si vous avez procédé à une autolyse)
Finir par 1 ou 2 boulage(s) sur le comptoir ou en banneton
Si la pate manque de forcer, je vous conseiller de fariner et de faire des boulages en banneton en étirant la pâte de l'extérieur vers le centre
Voici une illustration de cette notion de "force" liée à l'extensibilité et l'élasticité, c'est le critère le plus délicat à obtenir car il dépend de l'hydratation, de vos manipulations et du type de farine (capacité d'absorption & taux de protéine).
A retenir: le passage du pointage a l'appret suit 3 critères: une pate qui s'etire, un réseau de gluten formé (comme la peau d'un tambour) , un pâton qui se tient bien (force/élasticité).
🏹 Une image intéressante pour comparer la pâte en pointage est celle de la fronde qui doit lancer un projectile.
🏹 | 🥖 | |
Elasticité | Capacité de l'élastique a revenir a sa place avec force | Force du pâton qui dépend de vos manipulation et en partie du taux de protéine de la farine |
Extensibilité | Longueur de tension de l'élastique sans qu'il ne casse | Capacité du pâton à s'étirer sans se déchirer |
Tension de l'élastique | Donne l'élan au projectile | Vitesse de fermentation lors du pointage |
Precision du tir | Capacité à atteindre la cible | Maîtrise du temps de fermentation |
🚀L'élastique de la fronde ne doit pas casser (il doit extensible) et il doit aussi avoir la propriété de reprendre sa position initiale tel un ressort. Si l'élastique est trop dur impossible de tirer dessus pour le tendre, s'il n'est pas assez élastique il va revenir à sa position mollement sans lancer le projectile.
🎯L'autre challenge d'une fronde est d'être précis et puissant, ce qui correspond a obtenir la bonne fermentation (précis) et une force suffisante (puissance). On voit bien qu'être puissant en tirant l'élastique aux maximum a deux inconvénients: on maîtrise moins la visée et on prend un risque vis à vis de l'élastique qui peut rompre.
Lors que "la fronte est bien tendue" le tir va être puissant; c'est exactement comme pour un pointage démarrant rapidement la fermentation (température trop haute ou trop de ferment), une fois lancée difficile de la calmer. Ceci peut conduire à une sur-fermentation en apprêt.
Le cas du faible ensemmencement rentre complètement dans cette approche de pointage long qui a pour objectif d'aller chercher du goût dans la farine et dans le levain et qui permet de réduire les manipulations qui vont choquer la pâte et lui faire perdre une bonne partie des ces qualités organoleptiques (perception sensorielle d'un aliment). Cela correspond à une mise en tension relativement douce de l'élastique de la fronde car le levain en petit quantité va prendre beaucoup de temps pour fermenter de facon intense.
3️⃣ L'Apprêt | plus court et plus au chaud
Le pointage va amorcer la fermentation par la transformation les sucres complexes (sucres lents issues de l'amidon qui est la source de nourriture de la graine) en sucre simple qui vont être utilisables par les levures et les bactéries pour fermenter votre pâte.
Le pointage va agir comme si on tendait l'élastique d'une fronde; le projectile n'est pas encore parti mais on prépare le lancement (surtout à basse température autour de 16-21 degrés Celsius). Plus la température est haute plus l'élastique va être tendu et donc plus il faut faire attention à maîtriser son geste pour éviter les dégâts du projectile.
L'apprêt va signifier le lancement du projectile, en effet c'est le moment où on lâche l'élastique et donc que l'on va donner au pain l'opportunité de fermenter en prenant du volume dans sa forme finale (apres le faconnage). L'apprêt peut être fait à une température plus élevée pour s'assurer que les levures vont faire leur effet avant en se multipliant et en mangeant le sucre (produisant ainsi du CO2 qui sont les futures alvéoles du pain).
4️⃣ Planification de votre panification | gérer votre temps
Depuis 2015 j'ai créé une Application ANDROID qui permet de gérer ses propre protocoles de panification de bout en bout en passant du poids des ingrédients à la durée des fermentations en fonction de vos choix de panification. Le calcul des temps de pointage et d'apprêt prend en compte le mode de pétrissage et les paramètres de température et du taux d'ensemmencement.
📱L'Application est accessible ici Bread Recipes – Apps on Google Play
La température de la pâte avec autolyse ou fermentolyse est également géré, ce qui pour ceux qui on essayé, est difficile car il faut vraiment tenir compte de la température de la pâte en fin de mélange/frasage, l'élévation de la température lors du pétrissage (au robot) et la température ambiante. Manuellement c'est vraiment une gageure.
L'application de par la precision du modele de fermentation et du modèle physique de température de la pâte permet de planifier assez précisément les durées de fermentation et également de modifier sa fermentation au fil de l'eau. Par exemple, je dois m'absenter ce soir au moment de cuire mon pain, comment je peux gérer la situation avec un passage au froid sans sur ou sous fermenter.
Voici un exemple du changement de température de pointage (21 °C a 24 °C) et d'un apprêt au froid. Ici vue la masse importante de la pâte l'effet de passer de 21 °C a 24 °C n'a quasi aucun impact sur le temps de fermentation.
Et un autre exemple avec un ensemmencement à 1,3% à Température Ambiante comparé à un ensemmencement à 25% avec passage au froid.
On arrive au même temps de fermentation avec des profils de température complètement différent.
Pour finir cet article voici deux résultats de panification utilisant un protocole sans pétrissage. A Gauche un pain aux graines de lin et à droite des graines de lins, de chia et des raisins gonflés au rhum avec une farine teintée au curcuma. Dans les deux cas mélange de farine bio T65 et T80 à 50/50.
5️⃣ Note sur l'excès de pétrissage
Dans cet article l'objectif est de vous inciter à maîtriser vos gestes et d'en comprendre l'impact. Le pétrissage est un moment critique qui peut faire basculer votre pâte vers une masse qui n'est plus panifiable.
En effet, plus le pétrissage est intense et long plus il affecte négativement la qualité notamment gustative du pain.
Trop de développement du gluten rend la pâte très élastique, ce qui limite son expansion pendant la cuisson. Résultat : le pain a moins de volume et une mie dense plutôt que aérée.
L'endommagement du gluten par un pétrissage trop puissant peut affaiblir la capacité de la pâte à retenir les gaz et rendre la pâte collante (souvent à cause d'une chaleur excessive). Le pain peut donc s'avérer moins moelleux et plus compact.
L'oxydation de la pâte à cause d'un pétrissage prolongé peut blanchir la pâte et diminuer la richesse de la saveur du pain, le rendant plus fade.
L'activation excessive des enzymes entre autre par l'augmentation de la température de la pâte (amylases de l'amidon et les protéases des protéines), peut commencer à décomposer les composants clés de la pâte trop tôt, rendant la pâte difficile à travailler et pouvant donner un pain avec une texture indésirable.
L'épuisement des nutriments nécessaires à la fermentation (sucres et protéines utilisés par les enzymes) peut également affecter le goût et la texture du pain, le rendant moins savoureux et agréable à manger.
Article bien structuré, pédagogique et instructif !